Light Drawing Outdoor, 2015

Exposition CLOUDS

Mes light drawings outdoor sont à la confluence des deux domaines de mon travail artistique : les grandes installations en mouvement dans l’espace public, musiques visuelles , (dès 1996), et les light drawings, sculptures murales de lumière (dès 1994).

Mes installations sont constituées d’éléments architecturaux détournés de leur contingences fonctionnelles: portes coulissantes ou pliantes, barrières de passage, etc. Ce sont leurs mouvements d’ouverture et de fermeture qui m'intéressent et que je chorégraphie selon des rythmes différents.

Mes light drawings sont dessculptures muales: je fais glisser la lumière à l'intérieur de grandes plaques de plexiglas diaphane et poudreux pour la rendre visible. La lumière pénètre et se reflète sur des incisions pour créer des zones d'ombre et de lumière qui évoluent selon les changements d'intensité ou de direction de l'éclairage. Fragiles, ces oeuvres sont prévues pour l'intérieur. Pour une intervention extérieure dans le même esprit, l'image d'un grand nuage éphémère, un light drawing outdoor, s'est imposée (Nuage, 2013, Le Grand-Saconnex, Genève, Suisse). Dans ce nuage, tout est en mouvement: les gouttelettes propulsées par les buses s'agitent en tous sens en créant un bruissement cristallin. Elles s'élancent en volutes, ou rebondissent en vagues qui épousent le sol. La lumière y joue comme dans les light drawings, déclinant une multitude de blancs et de gris. Elle devient tangible, à l'instar des Wedgeworks de James Turrell. Dans le jardin du Château de Croÿ du Roeulx, face à l'Orangerie, au-delà des courbes du parterre à la française, le Light Drawing Outdoor sourd de la vasque centrale. La blancheur, l'ampleur et la vigueur de ce nuage focalisent l'attention, masquent la vue. Mais programmé pour s'évanouir et resurgir, il amène le promeneur à poser sans cesse un regard neuf sur le jardin. Un nuage, bien que provoqué, reste totalement imprévisible et indomptable. Sa vie et son insoumission contrastent avec le dessin rigoureux du jardin. Il joue avec le vent, avec la sécheresse ou l'humidité, et ses formes sculpturales ne sont qu'éphémères. Tous ses mouvements envoûtent le regard sans cesse à la recherche d'une image perdue.

C'est non seulement le regard qui est touché, mais la personne entière que le nuage frôle, entoure et cache parfois. La brume se révèle comme une caresse légère. La main cherche à la capter sans succès. Et si l’on inspire, c'est son corps tout entier qui éprouve la fraîcheur. Le soir, éclairé à sa source, le nuage sort de la vasque comme une poudre de lumière. Il apparaît comme un immense flambeau blanc, fait d'envols et de tumultes. La grande sculpture d'air prend alors un aspect solide. Toutes les masses de brumes, tous les mouvements d'envol, les remous sont soulignés. La fulgurance, l'exubérance dans la lumière offrent une vision puissante et généreuse d'une sculpture vivante.

Anne Blanchet